Quatrième série
Quatrième série
Au sâdhak chargé du bétail et des charrettes de l'Ashram durant les années 1930*.
Le laitier a préparé de nouvelles cordes¹ spéciales pour les bœufs. Il serait peut-être prudent de les utiliser pendant le travail. Dès le travail terminé, elles seront retirées. Les cordes ne sont pas serrées ; elles sont lâches et les bœufs n'auront pas de mal à les supporter. Donne ton autorisation, s'il te plaît.
Je croyais que les bœufs avaient refusé énergiquement qu'on leur mette ces cordes. Elles ne sont peut-être pas serrées, mais il est très probable qu'elles leur blesseront les naseaux. Là aussi, il me semble que c'est une question de dressage.
Le 8 mai 1932
Voici quelques faits que je voudrais porter respectueusement à ta connaissance. Les bœufs les plus petits menés par les charretiers de X transportent plus de 600 dm' de sable.
Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? Ne savez-vous pas qu'ici les charretiers crèvent leurs bœufs en quelques mois, sinon moins ?
Le 11 mai 1932
Demain est férié. Après-demain, la charrette pourra être réparée.
*Correspondance rédigée entièrement en anglais.
¹Selon un usage ancestral, on passe dans les naseaux du bœuf une corde destinée à modérer son ardeur,
Page – 103
Il y aura beaucoup de foule en ville demain, vous devrez donc être très prudent en amenant les bœufs du Jardin agricole et en les ramenant.
Le 13 juillet 1932
Le coolie n'est pas venu hier soir. Il s'est contenté de placer les mangeoires devant les bœufs et il est parti. Il ne travaille pas bein. Il ne nettoie pas. Comme il n'y en a pas d'autre, j'essaye de m'en accommoder.
Les bœufs ont l'air de l'aimer et c'est l'essentiel. Quant à la propreté, c'est une question de surveillance.
Le 15 juillet 1932
Pas étonnant que vous ayez eu des ennuis avec Ojas'. Ces bœufs sont bien assez intelligents pour sentir qu'ils changent de main. Ce nouvel employé n'est pas un expert et de plus, il a quelque chose d'une brute. Vous devrez le surveiller attentivement, car je n'aime pas sa manière de traiter les bœufs.
Quant à sa façon de tordre la queue des bêtes, je proteste énergiquement. Si quelqu'un lui tordait le bras de cette façon, que dirait-il ? Et je suis bien certaine que nos bœufs sont plus sensibles que lui.
Le 3 septembre 1932
J'ai observe l'incident depuis la terrasse et J'ai vu aussi avec la vision intérieure. Ce qui se passe ne fait absolument aucun doute et je vais essayer une fois de plus de vous le faire comprendre.
Les bœufs ne sont pas méchants. Au contraire, ce sont des animaux très bons et très paisibles, mais très sensibles, exceptionnellement sensibles peut-être (de cela je ne suis pas sûre, car Je n'ai pas observé d'autres bœufs avec autant d'attention). La vérité est qu'ils détestent ce charretier et n'ont pas
Page – 104
confiance en lui, non sans raison. Avec le précédent, ils étaient heureux et gais et travaillaient bien. Depuis que celui- ci les conduit, ils sont tristes et déprimés et travaillent à contre-cœur. Il faut renvoyer cet homme et en trouver un meilleur : je ne vois pas d'autre solution.
L'idée de les effrayer pour les maîtriser est inacceptable. Il est peut-être possible d'obtenir ainsi une certaine docilité, mais de la pire espèce. Les bêtes perdent de plus en plus leur confiance, leur joie et leur paix et finissent par perdre leur force et même leur santé.
À quoi bon être un sâdhak si dès que l'on agit, on se conduit comme un homme ordinaire et ignorant ?
Pour en finir avec ce sujet, je puis vous dire que du haut de la terrasse, j'ai concentré le pouvoir sur les bœufs en leur donnant l'ordre de céder et d'obéir, et Je les ai trouvés très réceptifs. Utiliser une volonté consciente, tranquille, ferme, inébranlable, c'est la manière, la seule vraie manière, véritablement efficace et digne de quelqu'un qui aspire à la Vie divine.
J'espère que cette rois-ci j'ai été claire-
Le 14 septembre 1932
Il me semble qu'au moins pendant un certain temps, il vaudrait mieux ne pas essayer de fournir tant de travail chaque jour, car Ojas a peut-être vraiment besoin de repos. Je ne trouve pas le nouvel employé meilleur que le précédent. Il est bien trop nerveux et agité- S'il pouvait être un peu plus tranquille et paisible en conduisant ses bêtes, elles travaille- raient certainement plus volontiers.
Le 22 septembre 1932
Je crois que le travail de la chakki¹ dégoûte les bœufs et pour cette raison sape leur vitalité et les fait vieillir très vite. C'est pourquoi je ne veux pas qu'on leur fasse faire ce travail.
Le 11 janvier 1933
¹Meunerie.
Page – 105
Samedi prochain. le 14, est la fête au bétail. En général on observe partout toutes sortes de coutumes. On peint les cornes des bêtes en rouge et en bleu, on ne les fait pas travailler, etc. Je ne dis pas cela pour obtenir la permission d'en faire autant pour notre bétail, mais j'ai envie de te demander si nous pouvons faire porter ce jour-là à notre chère Ra¹ un collier du genre de celui-ci.
Oui, le collier est Joli, vous pouvez le lui mettre. Mais pas de peinture sur les cornes, c'est trop laid ! Et je crois que vous devriez éviter de promener Ra dans la rue ce jour-là ; en général les enfants courent après les veaux et leur font très peur ; il arrive même qu'ils leur fassent du mal.
Le 12 janvier 1933
Dix-neuf allers et retours, n'est-ce pas trop pour les bœufs ? Il me semble qu'ils ne se reposent pas beaucoup-
Le 8 juin 1933
Qu'est-ce que c'est que cela ? Si le charretier a commis une faute ou s'est mal conduit avec les bœufs, je dois le savoir et je ne tolérerai pas ces MYSTÈRES.
Le 7 août 1933
Je vais l'expliquer ce qui s'est passé. X accompagnait la charrette, mais à ce qu'il dit, il était absorbé par un problème d'échecs. Quand la charrette s'est renversée et s'est trouvée à terre, il ne s'en est pas aperçu.
Je ne vois pas ce qu'un problème d'échecs a à faire avec le travail ou la sâdhanâ. X est-il ici pour résoudre des problèmes d'échecs ? Il pourrait aussi bien le faire ailleurs.
Le 26 août 1933
¹Une génisse.
Page – 106
Je regrette de porter à Ta connaissance les faits suivants concernant X. Sans aucune raison, il a battu Ra dans son étable, a 5 h 10 de {'après-midi, avec la semelle de sa sandale. Je l'ai vu depuis l'étable de Ba. Il a retiré une de ses sandales, l'a saisie, l'a retournée et a frappé Ra sur la bouche et la tête. Il avait mis deux paniers à côté de la mangeoire, l'un de peaux de bananes et l'autre d'épluchures 'de légumes. Ra ne mangeait pas comme il le voulait. C'était là sa faute. Quand j'ai couru l'interroger, sine s'est pas donné la peine de répondre. Les domestiques me disent qu'il a déjà battu Ra de la même façon, avec une sandale ; il semble qu'il cherche ainsi à la maîtriser.
Si c'est vrai, c'est brutal et stupide ; non seulement il va lui blesser la tête, ce qui n'est déjà pas bien, mais il la rendra vindicative et violente, ce qui est pire.
Le 18 novembre 1933
Je trouve que Tej¹ a beaucoup maigri. Il est sûrement malade et a besoin d'être surveillé de près. Je voudrais que le vétérinaire me dise s'il ne serait pas bon pour Tej de le laisser paître librement pendant quelque temps pour qu'il prenne de l'exercice à l'air et au soleil, sans travailler. Cette question doit être posée clairement au vétérinaire en exigeant de lui une réponse précise. Il est maintenant reconnu qu'aucun traitement contre les maladies, quelles qu'elles soient, n'est plus efficace que l'air et le soleil.
Le 1er février 1934
Je croyais que les administrations — municipale au autres — n'auraient pas d'objection à ce que nous posions des anneaux au mur, le long du trottoir, pour attacher les vaches. Je voulais faire poser un anneau.
¹Un bœuf.
Page – 107
Tout cela est rigoureusement interdit par les règlements municipaux et si nous avons fait quoi que ce soit de ce genre c'était une grave erreur. J'ai bien l'intention de veiller à ce que cela ne se renouvelle jamais.
Le 10 mars 1934
Le jeune Y qui travaillait au Service des Bâtiments a été renvoyé il y a deux jours, non pour vol, mais parce qu'il avait tiré brutalement une charrette, blessant légèrement un chien. Puis-je le garder pour remplacer son frère ?
Certainement pas.
S'il te plaît de donner la permission, comme c'est seulement pour une journée, je n'as pas d'objection. Il travaille très bien. J'attends tes ordres.
Non, il est très grossier, et un garçon qui est capable de faire du mal à un chien presque volontairement en fera sans doute autant à la vache et à son veau.
Ce garçon a été renvoyé sur mon ordre et ne travaillera plus à l'Ashram.
Un homme qui est cruel avec les bêtes est pire qu'une bête.
Le 2 avril 1934
Page – 107